L'interview

L'INTERVIEW DE PARIS MOVE

ITW de Yann Lem pour la sortie de son CD ‘Entre Blues et Granit’
Préparée et réalisée par Alain Betton
Réalisée le 23 mars, au Théâtre de Dreux (28)
Photos : © Alain Betton
Son album, ‘Entre Blues et Granit’, est excellent et une écoute répétée nous a confirmés qu’une ITW de Yann Lem s’imposait. Mais cette fois, ce n’est pas à un court et amical entretien que Yann nous a conviés, mais à partager toute une journée avec lui et ses musiciens. Et c’est à notre Alain Betton qu’est revenu l’honneur et le privilège de cette rencontre qu’Alain a qualifiée de ‘journée de partage’.
J'ai retrouvé Yann Lem, le ‘barde breton du blues’, comme il se nomme lui-même, pour assister à une journée de répétitions en compagnie de ses musiciens. Une journée de partage avec cet artiste authentique.

AB : Yann, tu es au cœur de l'actualité avec non seulement la sortie de ce nouvel album, ‘Entre blues et granit’, mais aussi parce que tu es en résidence, ici, au théâtre de Dreux, en plein travail de répétitions en vue de ta prochaine tournée. Pourquoi ce choix de la ville de Dreux?
YL : J'ai vécu de nombreuses années dans cette région drouaise avant de retourner vivre dans ma Bretagne natale. J'y ai conservé d'excellents contacts, de nombreux amis et je suis donc ici comme chez moi. Mais avant tout, je veux te parler d'un point important qui me tient à cœur. Lorsque les médias parlent d'une ville dite ‘sensible’, comme celle de Dreux par exemple, le sujet abordé est trop souvent celui de la drogue et j'en passe... Toujours ce côté négatif, alors que dans cette ville de Dreux, des personnes s'investissent à fond pour lui donner son vrai visage: celui du partage et de la communication. C'est dans ce sens que celle-ci m'accueille avec mes musiciens pendant huit jours dans ce magnifique théâtre mis gracieusement à notre disposition par les services du centre culturel. Et ça, vois-tu, c’est le côté positif qu'il faut absolument valoriser et dont il faut parler, celui de l'échange. C’est pourquoi nous jouerons également gratuitement, en fin de résidence, pour le public de cette région.
AB : Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que ce théâtre t'ouvre ses portes.
YL : C’est vrai. J'avais déjà, en ce même lieu en 2007, préparé mon ‘Tibute to Bill Deraime’, un spectacle en l'honneur de ce grand Monsieur (avec un M majuscule) qui pour moi symbolise le blues en France. Ce premier partenariat avec Dreux m'avait offert les conditions optimales pour travailler. Tu comprends donc cette envie de récidiver, pour ainsi débuter cette nouvelle aventure.
AB : Je te vois sur scène répéter avec tes musiciens dans la gaîté et la bonne humeur. Mais qui sont ces personnes qui s'affairent également autour de toi?
YL : Le régisseur du théâtre, en premier lieu, qui met à notre service toutes ses compétences. Est présent également le personnel de la société Concept Audio Scénique qui, gracieusement, il faut le préciser, met à notre disposition le matériel et la mise en place des jeux de lumières. Sans oublier Pierre, notre ingénieur du son, tout à fait à l'aise dans ce décor, derrière ses consoles. Comme je te le disais, je suis ici comme chez moi. D’ailleurs regarde, le foyer est ouvert, rien que pour nous, alors allons boire ensemble un café!
AB : Entrons si tu le veux bien dans le vif du sujet, avec ce nouvel album résolument blues-rock, le bien nommé ‘Entre blues et granit’.
YL : Le granit, c'est pour le rock, ou le roc, c'est comme tu veux (rires). En fait, je voulais cet album très blues, mais aussi très rock et très imagé. J'ai écrit les textes et j’ai partagé les compositions avec mon inséparable ami et guitariste Patrick Balbin.
AB : Quelles furent tes inspirations pour l'écriture de ces chansons? Je ne veux pas être indiscret, Yann, mais cette fille en Harley sur ‘Un blues sur la 12’, l'as-tu réellement rencontrée?
YL : (rires) Alain, je te vois venir sur ce coup là…! Tu vois, je suis parti d'un fait réel. Je roulais en voiture sur la RN 12 et pris dans les embouteillages, j'ai vu venir cette fille sur sa Harley. Elle est arrivée à ma hauteur et m'a doublé. Et voila.... Après ça, libre cours à ton imagination... (rires) C'était tout simplement un petit délire. Il y a des moments dans la vie où tu as envie de tout plaquer, de prendre ta guitare sur le dos et de te tirer ailleurs, comme je l'exprime également sur le premier titre de l'album, dans la chanson ‘Dobro blues’.
AB : A la première écoute du titre ‘Pas encore mort’, et encore maintenant, j'ai l'impression d'écouter Claude Nougaro. Est-ce un clin d'œil à ce poète disparu?
YL : Non, pas du tout. Par contre, oui, je voulais cette ambiance piano-bar sur ce titre car j'ai écrit cette chanson à un moment de ma vie où j’étais au creux de la vague, déstabilisé. J'avais besoin d'une main tendue pour remonter à la surface... Mais j'ai conjuré le sort, et comme tu le vois, je ne suis pas encore mort. Ce que je veux dire, au travers de cette chanson, c’est qu’il faut toujours garder l'espoir.

AB : Je ne vais pas te demander les raisons de ta colère sur le titre ‘Totale pollution’ car évidemment nous les connaissons, mais néanmoins peux-tu me dire quelques mots sur ce vrai coup de gueule?
YL : Tu sais combien un breton est proche de la mer et de son environnement. J'ai écrit ‘Totale pollution’ en 2000, suite au naufrage de l'Erika. Comme pour de nombreuses personnes, la première pensée qui m'est revenue en mémoire, c’est le précédent naufrage, celui de l'Amoco Cadiz, en 1978. A cette époque, tout le monde s’était dit ‘plus jamais ça’.... et tu vois, rien n'a changé. Ce titre est sorti en single il y a dix ans, mais je le voulais absolument dans cet album. Interpréter ‘Totale pollution’ aujourd'hui est toujours d'actualité et touche au plus profond d'eux-mêmes les habitants du littoral.

AB : Tu avais également composé un titre lié à la mer à cette époque, il me semble...

YL : C'était ‘Solitaire des mers’. Ce titre était le single générique de la vidéo de la course du Vendée Globe, en 1998.
AB : Restons ensemble sur les terres de Bretagne et entrons dans la légende avec ‘AR Korriganed blues’. Explique-nous qui sont ces Korrigans…
YL : Ce sont des lutins malicieux et espiègles, bienveillants ou malveillants selon les cas. Ces petits êtres errent dans la lande bretonne et viennent torturer les gens filous et radins.
AB : Dis moi Yann, rien qu'entre nous deux, les as tu déjà rencontrés?
YL : Oui, bien sûr, car je suis athée jusqu'aux bouts des ongles (rires). Je suis de culture celte et mon cher Alain, c'est quand tu veux pour aller avec moi dans la lande bretonne. Tu verras, il suffit de s'asseoir en rond autour d'un bloc de granit, et un peu de "Chouchenn" aidant , nous rencontrerons les Korrigans.

AB : Il y a deux reprises dans cet album: ‘Baba Boogie’, de Bill Deraime, et cette superbe version acoustique de ‘Hey Joe’. C'est un choix de cœur?

YL : Bill Deraime, bien sûr, car c’est mon mentor. Pour ‘Hey Joe’, c’est Patrick, mon guitariste, qui est un grand fan de Jimi Hendrix, qui voulait la faire. Je n’ai pas pu lui refuser cette version de ‘Hey Joe’ qu'il voulait jouer en acoustique pour éviter de refaire une énième version électrique. D’ailleurs très peu de gens savent que cette chanson, ‘Hey Joe’, a été écrite au début des années 60 par un certain William Moses Roberts Jr. J'ai fait traduire le texte pour rester très proche de la version originale. Ca concerne un mec qui a tué sa nana car il l'a trouvée dans les bras d'un autre. Tout simplement!
AB : Ce désespoir, ces errances, ces doutes, ces émotions que l'on retrouve dans les titres comme ‘Blues déprime’, ‘Vagabond en sursis’ et ‘Comptoir blues’, est-ce autobiographique? Ce sont des chansons au travers desquelles tu nous fais presque monter les larmes aux yeux.
YL : Absolument pas. C'est ma façon de chanter le blues et de l'imager. Ce sont des tranches de vie puisées dans du vécu qui n'est pas forcément le mien, mais surtout dans l'imaginaire et la poésie. Rassure-toi, je suis un bon vivant et j'adore faire la fête avec mes amis.

AB : L'album se termine avec ce titre, ‘Dernières notes de magie’, dans lequel tu nous présentes tes musiciens et quelques amis qui t'ont aidé à la réalisation de ce ‘Entre blues et granit’…

YL : Normal, car c'est une bande de potes et sans eux rien n'aurait été possible. Alain, comme tu étais présent au point presse, la semaine dernière, je t'ai présenté Christophe Fiamma, du studio ABS Records chez qui nous avons enregistré l'album en janvier dernier, à Laval. C’est Christophe qui gère également la plateforme de téléchargements et la promotion de l'album.
AB : Si tu me le permets, Yann, il faut signaler que l'on retrouve sur ton site officiel et sur ton MySpace les coordonnées d’ABS Bellissima qui offre un de tes titres en téléchargement gratuit.
YL : Super, voilà que tu me fais de la pub maintenant…! (rires) Tu vas bientôt faire comme mon attaché de presse, Gérard Haton, l'homme de la situation. C’est lui qui prend tous les contacts nécessaires pour cette tournée qui va débuter. Et si tu me laisses encore un peu de temps, Alain, encore quelques mots sur Patrick Balbin, mon pote guitariste depuis 1993, car il a participé aux arrangements et à la réalisation de cet album.

AB : Je reviens sur deux titres de l'album ‘Pas encore mort’ et ‘AR Korriganed blues’. Pourquoi proposer sur l’album cette version ‘radio’ qui semble faire double emploi? Car nous retrouvons ces titres deux fois….
YL : Une version de chacun de ces deux titres est calibrée pour la diffusion en radio. D’ailleurs à ce jour ils sont programmés sur plusieurs radios locales dans différents départements. C'est donc très encourageant et cela démontre qu’il faut proposer des titres adaptés aux formats des radios.
AB : Et qu’en est-il des dates de tes concerts à venir?
YL : Le projet commence à se concrétiser, principalement dans le grand ouest. On va commencer par des salles à Brest et Pontivy puis nous prendrons la route des festivals sur les terres de Bretagne. Tu sais, nous ne sommes qu’au tout début de cette aventure et il faut donc nous donner encore un peu de temps. Pour ce spectacle, à Dreux, nous sommes six sur scène, mais nous pouvons moduler notre formation et la réduire à quatre musiciens, par exemple, pour jouer dans des pubs. C’et l'envie et le plaisir de jouer qui prime avant tout, et donc rien n'est impossible.
AB : Que serait Yann sans ses amis musiciens?
YL : Rien, rien…! (rires) D4ailleurs je vais te présenter tous ceux qui sont présents avec moi aujourd’hui. Tout d’abord un très grand, à l'harmonica, Michel Herblin. Il vient tout juste de sortir un album, ‘Sculpteur de courants d'airs’. C'est déjà tout un programme…!
Ensuite il y a Eric Capitaine, à la batterie. Quand il frappe, il n'y a plus moyen de l'arrêter et crois moi, il frappa fort! Tu as aussi Jean-Paul Marais aux claviers. C'est le Don Juan du groupe, la magie derrière ses touches. Il ya aussi Karim Amida à la basse, un nouveau venu parmi nous mais qui assure très fort, et le talentueux Patrick Balbin aux guitares, qui n'a d'égal à son talent que sa modestie. C’est une formation légèrement différente de celle qui m'accompagne sur l'album…, et je sais Alain, que tu vas me dire ‘Que serait le barde breton du blues sans Moc'h Gwez, l'homme au bignou présent sur l'album!’ (rires). Ne t'inquiète pas, il va venir spécialement de Bretagne pour être au concert, et ainsi je te le présenterai.
AB : (rires) Vois-tu Yann, je n'ai même pas eu besoin de te poser la question! Donc rendez-vous est pris pour le concert, jeudi prochain.